Je vais te dire un secret un peu honteux (mais tellement répandu) : pendant des années, j’ai plus souvent dit “oui” avec mon corps alors que tout mon être criait “non”, ou au moins “pas comme ça, pas maintenant”. Et pourtant, j’adorais le sexe, le désir, la peau, la chaleur. Mais entre ce que je voulais vraiment et ce que j’osais dire sous la couette, il y avait un fossé.
Poser ses limites au lit, ce n’est pas éteindre le désir. C’est lui donner un cadre pour s’épanouir. C’est créer un espace où l’on se sent suffisamment en sécurité pour lâcher prise, se laisser aller, se faire plaisir – sans arrière-pensée, sans malaise, sans cette petite voix qui murmure “tu n’aurais pas dû accepter ça”.
Poser ses limites, ce n’est pas être “coincé(e)”
J’ai longtemps confondu “être ouverte sexuellement” et “tout accepter”. Je pensais qu’une femme vraiment “libérée” ne disait jamais non, ou très peu, ou seulement pour faire monter la tension dramatique. Spoiler : c’est faux, et c’est même l’inverse.
Poser ses limites, c’est :
- Dire clairement ce qui est ok pour toi et ce qui ne l’est pas.
- Avoir le droit de changer d’avis en cours de route.
- Pouvoir quitter une situation qui ne te convient pas, sans avoir à te justifier.
- Te sentir respecté(e), écouté(e), désiré(e) pour qui tu es, pas juste pour ce que ton corps peut offrir.
Rien de tout ça n’est incompatible avec le plaisir, le fun, les jeux coquins ou les nuits blanches. Au contraire : quand on sait qu’on peut dire stop à tout moment, on s’autorise plus facilement à dire oui pleinement, sans demi-mesure.
Commencer par se demander : “Qu’est-ce que je veux, moi ?”
Je vais être crue : beaucoup de gens ne posent pas leurs limites… parce qu’ils ne les connaissent pas vraiment. On fait “comme dans les films”, comme dans nos anciennes relations, comme “on croit qu’il faut faire”. Et on oublie de se demander ce qui nous excite, ce qui nous fait peur, ce qui nous intrigue, ce qui nous rebute.
Prends un moment pour toi, sans partenaire, sans pression, juste avec ton corps, ta tête et pourquoi pas un carnet. Pose-toi quelques questions :
- Qu’est-ce qui me met vraiment à l’aise pendant le sexe ? (Ambiance, rythme, paroles, lumières…)
- Qu’est-ce qui m’a déjà mis mal à l’aise dans le passé ? (Une pratique, une insistance, une remarque…)
- Est-ce qu’il y a des zones de mon corps que je n’aime pas qu’on touche ?
- Est-ce qu’il y a des pratiques qui me font envie mais que je n’ai jamais osé explorer ?
- De quoi j’ai besoin pour me sentir en sécurité ? (Temps, tendresse, humour, clarté…)
Tu peux même faire des colonnes “oui / peut-être / non” :
- “Oui, j’ai envie d’explorer ça.”
- “Peut-être, mais seulement dans tel contexte, avec telle personne, sous telles conditions.”
- “Non, ça n’est pas pour moi (au moins pour l’instant).”
Ce travail, discret et intime, est la base pour pouvoir poser clairement des limites ensuite. Tu ne peux pas exiger le respect de tes frontières si tu ne sais pas où elles se situent.
Le pouvoir des mots… avant d’être au lit
On fantasme souvent la communication ultra fluide, sensuelle, au moment même où les corps s’embrasent. C’est très joli en théorie, mais en pratique, parler de ses limites avant d’être nu(e) change tout.
J’aime bien l’idée du “briefing plaisir” – un moment hors du lit (un verre, une balade, un message vocal) où tu peux dire, avec simplicité :
- Ce que tu aimes vraiment (sans filtre, sans gêne).
- Ce qui est off-limits pour toi.
- Ce qui est encore flou ou à explorer doucement.
Tu peux par exemple dire :
- “J’adore qu’on prenne le temps au début, les préliminaires sont importants pour moi.”
- “Je ne suis pas à l’aise avec [telle pratique], donc je préfère qu’on évite.”
- “Si je me bloque ou que je me fige, c’est que je ne suis plus à l’aise, donc on s’arrête, ok ?”
Tu peux aussi proposer un mot ou un geste qui veut dire “on ralentit” ou “on stoppe tout”, surtout si vous aimez les jeux de domination, les scénarios, ou les dynamiques un peu intenses. Un “safe word” n’est pas réservé au BDSM hardcore, c’est simplement un outil de respect mutuel.
Dire non sans s’excuser (et sans perdre le désir)
Beaucoup ont peur que dire non casse l’ambiance. En réalité, c’est surtout la gêne autour du non qui crée le malaise, pas le non lui-même. Un non peut être doux, sexy, clair, ferme, joueur.
Par exemple :
- “Ça, je ne le sens pas, mais j’ai très envie de…”
- “Non pour ça, ce n’est pas mon truc, par contre j’adore quand…”
- “Stop là-dessus, je ne suis pas à l’aise. Restons plutôt sur…”
Le secret, c’est souvent d’associer le non à une redirection vers quelque chose que tu désires vraiment. Tu fermes une porte, mais tu en ouvres une autre, où tu te sens pleinement ok.
Et tu n’as pas besoin d’écrire un roman pour te justifier. “Je n’ai pas envie”, “Je ne suis pas à l’aise”, “Ce n’est pas pour moi” sont des raisons suffisantes. Point. Ton corps n’est pas un espace de négociation commerciale.
Accepter que tes limites peuvent changer
Autre piège : croire que poser des limites, c’est graver des règles dans le marbre pour la vie. Dans la vraie vie, nos envies et nos peurs évoluent. Ce qui était un grand non à 20 ans peut devenir un doux peut-être à 30, ou l’inverse.
Tu as le droit :
- De dire oui à quelque chose un jour et non le lendemain.
- De commencer une pratique et de t’arrêter en cours de route.
- D’explorer une nouvelle zone de plaisir, puis de la ranger à nouveau dans la case “non merci”.
En plein élan, ça peut ressembler à :
- “Finalement, je ne suis plus à l’aise, on peut changer ?”
- “On arrête ça, je préfère revenir à quelque chose de plus doux.”
Et de l’autre côté, en tant que partenaire, entendre ça n’est pas un échec. C’est un signe de confiance. Si l’autre ose dire “je ne suis plus ok”, c’est que tu es perçu(e) comme quelqu’un qui peut entendre et respecter ça. Ça, c’est érotique à sa manière : la sécurité est une forme de préliminaire très puissante.
Quand l’autre teste (ou dépasse) tes limites
Parfois, malgré tes mots, l’autre insiste. “Allez, juste pour essayer”. “Tu es sûre ?”. “Tout le monde fait ça”. Là, on touche à un point sensible… et très révélateur.
Poser tes limites au lit, c’est aussi observer :
- Est-ce que la personne respecte ton premier non ?
- Est-ce qu’elle culpabilise, boude, manipule ?
- Ou est-ce qu’elle écoute, adapte, propose autre chose ?
Tu peux recadrer clairement :
- “Je t’ai dit que je ne voulais pas, je n’ai pas envie de négocier ça.”
- “Si tu insistes, ça me coupe complètement l’envie.”
Et si cette personne ne respecte pas ça, ce n’est pas ton désir qui est en cause, ni ton corps, ni ta “froideur” supposée. C’est l’autre qui n’est pas apte à te mériter dans ton plein plaisir.
La tendresse comme alliée de la liberté
J’ai remarqué une chose dans ma propre vie sexuelle : plus je me sens respectée, écoutée, protégée dans mes limites, plus j’ai envie de jouer, d’oser, d’ouvrir mon éventail de fantasmes. Quand je sais que je peux dire “stop” sans être jugée, je deviens mille fois plus aventureuse.
La bonne nouvelle, c’est que beaucoup de partenaires rêvent aussi de cette liberté-là. Parler de limites, ce n’est pas juste se protéger, c’est aussi leur offrir un cadre clair pour t’emmener loin… mais jamais trop loin. C’est dire, en filigrane : “Tu peux y aller, j’oserai te dire si ça ne me convient plus.”
La sexualité la plus intense que j’ai vécue ne ressemblait pas à une performance de film porno. Elle ressemblait à deux corps qui se cherchent, qui murmurent, qui demandent “comme ça ?”, “tu aimes ?”, “je peux continuer ?”. Et au milieu de tout ça, des “oui”, des “un peu moins fort”, des “pas là”, des rires, des silences, du respect.
C’est dans ce mélange de peau, de mots et de limites claires que je me suis sentie la plus libre. Parce que je savais que je pouvais me perdre un peu… sans jamais me trahir.
Alors oui, ose dire ce qui est trop, ce qui est pas encore, ce qui ne sera peut-être jamais pour toi. Ose dire aussi ce qui te fait vibrer, ce qui t’allume, ce qui te donne envie de te cambrer, de gémir, de réclamer encore. Entre ces deux pôles – tes non et tes oui – se dessine l’espace unique de ta sexualité à toi. Et c’est dans cet espace-là que tu mérites d’être pleinement respecté(e)… et pleinement comblé(e).
Colette
